Pour son exposition d’été, la Galerie T&L prend ses quartiers dans le 7e arrondissement, « Chez Justine » au 27 rue Vaneau, ancienne boutique de doreur à l’or ayant gardé ses volumes et sa devanture d’origine.
Afin de conclure la première saison de notre galerie, nous vous invitons à découvrir ou redécouvrir quatre artistes invités pour l’occasion, deux Français, un Italien et une Iranienne : Leonardo Cremonini (1925-2010), Thomas Lévy-Lasne, François Malingrëy et Anahita Masoudi.
Entre galerie et cour, peintures et dessins seront exposés dans des salles habillées par des pièces de mobilier design du marchand parisien Luc Revillon d’Apreval.
VERNISSAGE LE VENDREDI 17 JUIN A 18H
Informations pratiques en bas de page
PRÉSENTATION :
Leonardo Cremonini:
Leonardo Cremonini (1925-2010) est un peintre italien originaire de Bologne, l’un des principaux artistes des scènes françaises et italiennes de l’après-guerre. Lié aux artistes de la Figuration Narrative dont son style se départit pourtant, admiré de Francis Bacon, ami de Gino Severini, il a été élève de Giorgio Morandi en Italie. Dans les années 1940 et 1950, alors qu’il s’installe à Paris, il travaille dans une veine expressionniste suscitant l’intérêt mais qui évolue dans les années 1960 vers une peinture plus intellectuelle, silencieuse, au goût métaphysique.
Attiré par les ambiances balnéaires de son enfance italienne, Cremonini représente estivants hébétés sur les plages, enfants jouant et couples inconsolés qu’il décline en autant de situations dramatiques qu’elles sont banales. Ce dramatique sans drame, il le figure avec une peinture liquide, parfois translucide, captant parfaitement l’atmosphère lourde et embuée de la chaleur d’été. Il joue sur des cadrages géométriques, très construits, employant des formats souvent oblongs, qui dilatent l’espace. Rappelant parfois l’art de Balthus, il met au point un canon humain qu’il contorsionne et rabougrit. Cremonini accordait la même importance au dessin qu’à la peinture : en noir et blanc ou en couleur, il y développe avec un trait d’une finesse remarquable les mêmes thématiques qui, des années 1960 à sa mort, accompagnèrent sa carrière de peintre. Dans ses oeuvres graphiques, il lui arrive aussi de traiter des sujets moins fréquents dans sa peinture, comme les amas de rochers lunaires qui s’amoncèlent dans la mer là où ses toiles s’ouvrent sur un horizon le plus souvent bleu et pur.
Son art, puissamment poétique et propice aux exégèses, a nourri les réflexions des plus grands intellectuels du temps : Foucault, Moravia, Calvino, Eco, Althusser, Lyotard, Debray, tous ont écrit des textes sur la peinture et le dessin de l’artiste italien.
Umberto Eco disait de Cremonini : « sa peinture, même si elle est éminemment “picturale” [larges étalements, écarts, partitions géométriques et effacements de la matière], n’en est pas moins très littéraire et philosophique : elle raconte, organise des intrigues ambiguës et sous-entend une série de raisonnements [visuels bien sûr] sur le rôle du sujet, du regard, du désir et de la volupté ».
Mort en 2010, d’importantes rétrospectives lui ont été consacrées au cours de sa vie, de Paris à Tokyo, en passant par Prague, Bâle, Bruxelles, Athènes et Milan.
Thomas Lévy-Lasne :
Thomas Lévy-Lasne est né en 1980 à Paris. Issu des rangs de l’école nationale supérieure des Beaux-Arts, c’est l’un des principaux peintres français de la scène figurative. Il a travaillé comme illustrateur pour de nombreux journaux et titres de presse. En parallèle à son activité picturale, il mène une carrière dans le cinéma.
Lévy-Lasne pratique une peinture que l’on pourrait qualifier d’hyperréaliste. Un qualificatif qui rend toutefois difficilement compte des caractères de sa touche. Il y a autant de réalismes qu’il y a de peintres et de styles, et celui de Lévy-Lasne se démarque particulièrement. Prenant l’époque à bras le corps, il affectionne les scènes de la vie contemporaine, qu’il croque sur le moment, sans détours, avec des couleurs acidulées, des éclairages francs qui cernent tous les contours et dans des cadrages aux allures cinématographiques donnant l’impression de l’immédiateté. Soirées parisiennes entre amis dans des appartements étriqués, tables jonchées de verres et bouteilles vides, conversations enjouées ou filles pianotant sur leur portable font partie du répertoire favori de Lévy-Lasne. Il s’attaque également, avec la même ambition, au dessin en grand format, où le grain noir du fusain adoucit les contours, fait ressortir la lueur floconneuse de scènes nocturnes plus intimistes, voire inquiétantes, au parfum parfois tragique.
Cette vie d’aujourd’hui que peu d’artistes représentent encore telle qu’elle se donne à voir, l’artiste aime à la montrer avec son attirail d’objets qui symbolisent et caractérisent l’époque : la technologie trouve souvent une place dans la peinture et le dessin si noblement réalistes de Lévy-Lasne. Les couples se dénudent devant une webcam, la femme nue telle l’odalisque est devant son ordinateur et le vacancier, pourtant seul dans une nature primitive, sauvage, débordante et sublime, n’a d’yeux que pour le minuscule écran sur lequel il vient de recevoir un sms ou une photo.
François Malingrëy :
François Malingrëy est né en 1989 à Nancy. Il a remporté le Salon de Montrouge en 2015 et a été exposé au Palais de Tokyo cet hiver. Installé à Paris, il développe une peinture fondée sur le corps humain, sa mise en situation dans des ambiances simples, parfois inquiétantes. Le monde qu’il dépeint reste étrange malgré son réalisme ; il obéit à ses propres lois : de manière récurrente, ses œuvres sont peuplées de personnages anonymes, souvent dénudés, évoluant dans des cadres inidentifiés, parfois seulement esquissés, tout occupés à la banalité d’une vie où il ne se passe que peu de choses.
Une impression de drame sourd pourtant alors que jamais aucune tragédie ne se joue dans ses toiles. Les atmosphères sont lourdes et silencieuses, les tons assourdis mais profonds, le canon humain un peu raidi.
Du très petit format aux grandes toiles de près de trois mètres, Malingrëy sonde inlassablement ce qu’est un corps, l’aspect fluctuant de la peau, les accords simples de couleur qui peuvent faire exister un sujet autour de la chair, les subtiles différences qui peuvent faire changer une expression d’un visage à l’autre.
Déclinant souvent les mêmes modèles, qu’il réplique dans différentes situations et positions, on a l’impression d’un artiste dont l’ambition serait de composer, à travers son oeuvre, une galerie sans fin de toutes les expressions, de tous les modes d’être possibles.
Anahita Masoudi :
Anahita Masoudi est une artiste iranienne née en 1979 et installée à Paris et Istanbul. Elle a étudié le dessin et la peinture à Téhéran. Elle aussi tire de la figuration la sève de son style.
Masoudi emploie des couleurs fanées, comme éteintes, qui donnent une élégance calme à ses toiles, les faisant ressembler à des fresques délavées qu’on aurait détachées de la paroi qu’elles ornaient. Il y a rarement de profondeur, de perspective, d’espace en un mot, dans les sujets qu’elle choisit : on sent que la loi de l’enfermement organise son esthétique. Tout se passe au premier plan. Parfois, elle ne représente plus qu’un mur, usé par le temps.
Parmi les thèmes qu’elle traite fréquemment, celui de la femme revient avec insistance. Elle n’est pas le simple motif esthétique, le canon de beauté idéal, dont font habituellement d’elle les peintres : vue par l’artiste au-delà de ce prisme, sa féminité est revendiquée sans être ostensiblement exhibée. Orientale, la peau mate, parfois dénudée, son origine est signifiée par un simple tatouage en caractères farsi inscrit au creux du dos ou sur le bras : le prénom de l’artiste, qui fait ainsi la signature du tableau mais aussi de chaque image un autoportrait.
La femme est souvent seule, qu’elle soit cachée derrière le noir du voile dont s’échappe seulement, avec puissance, les mains ou le regard, sièges de l’âme, ou affaissée dans une baignoire, ou encore empaquetée dans un film plastique transparent (métonymie de l’enfermement que représente le voile intégral ?), recroquevillée dans une souffrance solitaire, torturée psychologiquement autant que physiquement.