Du 30 novembre au 23 décembre, au 24 rue Beaubourg dans le 3e, la Galerie T&L organise la première rétrospective parisienne consacrée à l’artiste italien Leonardo Cremonini depuis sa mort en 2010, réunissant cinquante oeuvres couvrant toute sa carrière
Peintre emblématique des scènes artistiques française et italienne des années 1950 à 1990, Leonardo Cremonini (1925-2010) connut la célébrité de son vivant. Admiré par ses pairs tels que Francis Bacon ou Roberto Matta et par les écrivains, à l’instar d’Alberto Moravia, Italo Calvino, Umberto Eco, Louis Althusser, Michel Butor ou Régis Debray, son œuvre est représentée dans de nombreuses collections publiques (Musée national d’art moderne, Musée d’art moderne de la Ville de Paris, MoMa, Galerie d’art moderne de Milan…) et privées (Fondation William Louis-Dreyfus).
Dans les années 1940, Cremonini étudie la peinture à Bologne, sa ville natale, où enseignait Giorgio Morandi, puis à Milan avant de s’installer à Venise, où il est remarqué par Peggy Gugenheim. Dans les années 1950, alors qu’il s’installe à Paris, il travaille dans une veine parfois qualifiée d’expressionniste suscitant l’intérêt (ses premières expositions à New York ont lieu à cette époque) mais qui évolue dans les années 1960 vers une peinture plus construite et posée, intellectuelle, au goût métaphysique et aux couleurs puissantes.
Attiré par les ambiances balnéaires de son enfance italienne, Cremonini représente estivants hébétés sur les plages, enfants jouant et couples inconsolés qu’il décline en autant de situations dramatiques qu’elles sont banales. Ce dramatique sans drame, il le figure avec une peinture au chromatisme exacerbé, captant parfaitement l’atmosphère lourde et embuée de la chaleur d’été. Il joue sur des cadrages géométriques, très construits, employant des formats souvent oblongs ou utilisant les jeux de reflets de miroirs, les plans en enfilade d’une pièce à l’autre, qui dilatent et compliquent l’espace. Les scènes érotiques sont vues à travers les reflets des miroirs, les personnages sont tronqués : on ne voit jamais directement l’acte chez Cremonini et le spectateur est transformé en voyeur. Pour ses personnages, il met au point un canon humain qu’il contorsionne et rabougrit, les privant de leur individualité.
Ses tableaux évoquent la puissance du désir, ses jeux, ses interdits ; sa peinture dépeint également admirablement l’ennui, l’abandon, l’incompréhension – des rapports émotifs sur lesquels on ne parvient à mettre de nom mais dont on sent l’incomparable prégnance, qu’il parvient à faire remonter à la surface de ses toiles, ce qui poussa Moravia comme Debray à le consacrer comme le peintre de l’angoisse existentielle.
L’EXPOSITION :
Sur 280 mètres carrés au 24 rue Beaubourg, dans le Marais, l’exposition réunit une cinquantaine d’oeuvres, entre tableaux et aquarelles, datant des années 1950 à 2008 et retraçant toute la riche carrière de l’artiste. Plusieurs grands chefs-d’oeuvre, rarement vus ces dernières années, ainsi que des inédits sont présentés dans cette rétrospective-hommage.